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Antoine Collet
21 décembre 2016

Le nouveau clivage politique

Comme théâtre politique, il n’y a pas mieux que les conventions des partis américains. Les militants de gauche et de droite convergent en un même lieu pour choisir leur candidat et pour affirmer qu’ils sont conservateurs (républicains) ou progressistes (démocrates). Mais cette année, c’était différent. Pas uniquement parce qu’Hillary Clinton est la première femme à être désignée candidate à la présidence par un grand parti. Ces conventions ont révélé une nouvelle ligne de fracture politique?: elle ne sépare plus la gauche et la droite, mais l’ouverture de la fermeture. Donald Trump, le candidat des républicains, a résumé par une habituelle phrase cinglante de quel côté de la fracture il était?: “L’Américanisme, et non la mondialisation, sera notre credo”. Ses tirades contre le commerce mondialisé trouvent un écho chez Bernie Sanders et au sein du Parti démocrate. “Ces conventions ont révélé une nouvelle ligne de fracture politique?: elle ne sépare plus la gauche et la droite, mais l’ouverture de la fermeture>” L’Amérique n’est pas seule dans cette situation. Dans toute l’Europe, les personnalités politiques qui ont le vent en poupe sont celles qui présentent le monde comme un lieu sauvage et menaçant?: les nations sages devraient selon elles construire des murs pour s’en protéger. Ce discours a permis à un gouvernement ultra-nationaliste d’être élu en Hongrie, de même qu’en Pologne. Ils proposent un cocktail à la Trump de xénophobie et de mépris pour les règles démocratiques constitutionnelles. Les partis populistes et autoritaires, qu’ils soient de gauche ou de droite, sont aujourd’hui deux fois plus puissants qu’ils ne l’étaient en 2000. Ils participent à des gouvernements ou à des coalitions gouvernementales dans neuf pays. À ce jour, le Brexit est leur plus beau trophée. La décision de quitter le club le plus riche du monde, l’UE, a été obtenue en flattant par le cynisme les instincts insulaires des électeurs, ce qui a fracturé les partis traditionnels en deux. Presque chaque jour, des informations viennent renforcer l’influence des anti-mondialisation. Le 26?juillet, deux hommes revendiquant leur appartenance à Daech ont égorgé un prêtre de 85 ans dans son église, près de Rouen. C’est la plus récente d’une série d’atrocités terroristes commises en France et en Allemagne. Une insécurité toujours croissante peut donner d’autres victoires électorales aux tenants d’un monde fermé?; c’est le danger. Le monde libre connaît la menace la plus grave depuis le communisme. Rien n’est plus important que de lutter contre elle. Des murs plus hauts, des salaires plus bas Commençons par rappeler ce qui est en jeu. Le système multilatéral des institutions, des réglementations et des alliances voulu par les États-Unis a engendré 70 ans de prospérité dans le monde. Il a permis de reconstruire l’Europe après la guerre et d’ouvrir le monde clos du communisme soviétique. En arrimant la Chine à l’économie mondiale, ce même système a également permis la plus grande réduction de la pauvreté de l’Histoire. Un monde qui construit des murs sera plus pauvre et plus dangereux. Si l’Europe se fragmente en duchés ennemis, si l’Amérique s’isole, des puissances moins conciliantes vont profiter de ce vide. M.?Trump a annoncé avec une irresponsabilité insondable qu’il pourrait ne pas se porter au secours des pays baltes – des alliés – si la Russie les menaçait. Rappelons que les États-Unis ont pris l’engagement de traiter toute attaque sur n’importe quel pays membre de l’Otan comme une attaque sur tous ses membres. Si M. Trump peut impunément désavouer un traité, pourquoi un allié ferait-il confiance à l’Amérique?? Sans même être élu, M.?Trump a légitimé tous les États voyous du monde. Il n’est pas étonnant que Vladimir Poutine le soutienne. Et qu’en plus, M.?Trump encourage la Russie à pirater les mails du Parti démocrate est scandaleux. “Le système multilatéral des institutions, des réglementations et des alliances voulu par les États-Unis a engendré 70 ans de prospérité dans le monde” Les constructeurs de murs ont déjà fait de graves dégâts. La Grande-Bretagne semble se diriger vers une récession à cause du Brexit. L’Union européenne chancelle. Si la France élit Marine Le Pen présidente l’an prochain, puis suit l’exemple de la Grande-Bretagne, l’Europe s’effondrera. M.?Trump a ébranlé la confiance dans les institutions mondiales avec la même facilité qu’il a à soutirer l’argent des clients de ses casinos. Avec un tel président qui menace de bloquer les nouveaux accords commerciaux, de s’asseoir sur ceux qui existent et de claquer la porte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si ses caprices ne sont pas satisfaits, aucune entreprise qui fait des affaires en dehors des USA ne peut envisager 2017 avec sérénité. Pour défendre un monde ouvert Se battre contre les constructeurs de murs nécessite une rhétorique plus convaincante, des politiques plus courageuses et une tactique plus intelligente. Pour commencer, ceux qui veulent un monde ouvert devraient mieux défendre leur cause. Ils doivent rappeler aux électeurs pourquoi l’Otan est important pour l’Amérique, pourquoi l’Union européenne compte pour l’Europe, pourquoi un marché libre et l’ouverture aux étrangers enrichissent les entreprises, et pourquoi lutter efficacement contre le terrorisme demande une coopération internationale. Trop d’amis de la mondialisation battent en retraite en marmonnant quelques mots sur un “nationalisme responsable”. Une poignée de dirigeants, comme Justin Trudeau au Canada ou Emmanuel Macron en France, sont assez courageux pour défendre l’ouverture. Ceux qui y croient doivent se battre pour elle. Il leur faudra cependant reconnaître que la mondialisation a de gros défauts. Le commerce produit beaucoup de perdants, une immigration rapide peut faire exploser des communautés. Mais la meilleure façon de faire face à ces problèmes n’est pas de dresser des barrières. Elle est d’inventer des politiques audacieuses qui préserveront les bénéfices de l’ouverture en diminuant les effets secondaires. Laissez les biens et les investissements circuler librement, mais renforcez le filet de sécurité sociale pour ceux dont l’emploi a été détruit, pour qu’ils trouvent un appui avant de nouvelles opportunités. Pour mieux gérer les flux migratoires, il faudrait investir dans des infrastructures publiques, faire en sorte que les migrants travaillent, et permettre la mise en place de règles qui limitent les pics de personnes, tout comme les règles mondiales du commerce permettent aux pays de limiter des pics d’importations. Mais ne confondons pas gérer la mondialisation et abandonner la mondialisation. “Une poignée de dirigeants, comme Justin Trudeau au Canada ou Emmanuel Macron en France, sont assez courageux pour défendre l’ouverture. Ceux qui y croient doivent se battre pour elle” Question tactique, la question pour les électeurs pro-ouverture (qui se trouvent d’ailleurs des deux côtés de la césure traditionnelle gauche-droite) est?: comment gagner?? L’approche peut varier par pays. Aux Pays-Bas et en Suède, les partis centristes se sont alliés pour tenir les nationalistes à distance. Une alliance semblable à celle qui a permis de repousser Jean-Marie Le Pen en 2002 pourrait être à nouveau nécessaire pour défaire sa fille en 2017. La Grande-Bretagne pourrait avoir besoin d’un nouveau parti centriste. En Amérique, où l’enjeu est le plus important, la réponse doit venir de l’intérieur des partis existants. Les républicains qui veulent sérieusement résister aux anti-mondialisation devraient se boucher le nez mais voter quand même pour Mme?Clinton. Et Mme?Clinton, puisqu’elle est maintenant la candidate officielle, doit défendre franchement l’ouverture, et non pas de façon équivoque. Le choix de Tim Kaine comme co-listier est bon signe?: c’est un “globaliste” qui parle espagnol. Cependant, les deux candidats sont dangereusement proches dans les sondages.

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Antoine Collet
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A propos
Bonjour, je m'appelle Antoine Collet : quarantenaire bien dans ses pompes, papa heureux, époux comblé, et humain désespéré.

Je partage ici avec vous mon point de vue sur ce monde à la dérive, et son actualité toujours plus désespérante.
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